Le Dragon du Nord - La suite... Suède
Durée : 2 à 4 jours
Difficulté : Moyenne
Pulka : non accessible
Vous avez découvert, la semaine dernière un premier extrait du "Dragon du Nord" écrit par Wildtrekker.
Découvrez cette semaine un second extrait tiré de son aventure "le long chemin"…
La suite du récit de Wildtrekker (Extrait N°2) :
Suspendue à un crochet sous la voûte géodésique de la tente, la flamme d’une bougie enfermée dans sa lampe de verre découpe et éclaire en fine lamelle le pan d’une nuit. La lumière danse doucement sur le noir de l’espace comme un faisceau de vie. Il fait un vilain -37°C, le feu de la chandelle à froid et tremble dans la brise du soir. Rapidement, ma résidence de toile orangée se transforme en maison de glace luisante. Luttant encore un peu afin de noter les quelques lignes qui retracent la journée qui vient de glisser. J’observe mes outils de charpentier des étoiles, le crayon à papier qui ressemble à une baguette chinoise, le réchaud multifonctions qui brûle au gaz comme à presque n’importe quelle substance pétrolière un peu raffinée, les gamelles toutes cabossées et noircies. J’admire tout ce matériel qui matérialise le rêve.
C’est étonnant comme quelques objets lors d’une expédition prennent leur propre place. La vie s’insuffle progressivement dans leurs corps rigides. Ainsi un couteau devient le fidèle compère de batailles contres les saucissons rebelles et une pulka se transforme en gentille copine sur qui l’on peut compter pour porter les charges trop lourdes. Le sac de couchage est entièrement recouvert de glace qui s’effrite dans un son de gaufrettes broyées lorsque je bouge. Au dehors, c’est le bruit gigantesque du calme, brisé parfois par l’explosion d’un arbre que le gel vient de rendre fou ! Les mystérieuses aurores boréales s’éveillent, les comètes filent au firmament. L’esprit s’envole pendant que le corps lourd de ses efforts s’endort apaisé. Dans une dernière vision d’où je me vois d’en haut comme si je flottais dans les airs, je m’observe dans mon sac de couchage. Puis je sombre, bercé par l’étrange besoin vital de coucher par terre contre le corps du monde afin de se ressourcer.
Il est important de savoir de quoi on serra capable durant la journée et d’adapter si possible sa route en fonction de sa capacité sur le moment. Car la nature de son cotée ne triche en rien. Elle passe son cours au rythme aléatoire des saisons qui tempèrent ses humeurs. L’homme n’est pas un voyageur à son bord, nous ne sommes pas non plus des invités de marque. Nous ne sommes ici que par le fruit de nos choix, sont-ils respectables ou pas ? La nature ne réclame aucun compte, elle vie sans se soucier de nous dans un face à face sans équivoque avec la réalité. La terre n’a pas besoin de nous, elle vogue solitaire et majestueuse dans l’univers, en route vers une destinée qui nous échappe à tous. Dans ce voyage aux confins du Grand Nord, dans ces distances si vastes, dans tous ces efforts pour survivre, j’entrevois ma minuscule et insignifiante place ici bas. Dans cette démesure d’espaces vierges et sauvages, dans cette folie de températures glaciales, mon ego s’en retrouve non pas réduit, mais positionné à son juste endroit. De cette place forçant à l’humilité, s’ouvre une perspective intense sur les qualités humaines à cultiver. Je remarque aussi que les moments difficiles offrent en contre partie, des réponses précises sur la vision philosophique de la vie.
Textes et photos de Christophe Castillon - www.wildtrekker.com
Christophe Castillon est actuellement en train d'écrire un livre sur cette traversée hivernale