Scandinavie : Le Dragon du Nord Suède

Régis Cahn

Régis Cahn

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  • author: Régis Cahn

Durée : Plus de 4 jours

Difficulté : Difficile

Pulka : accessible

Equipé d’un simple matériel de survie, sans assistance, Christophe Castillon / Wildtrekker s’est immergé durant 4 mois dans une nature figée par le froid et l’isolement des hautes montagnes Scandinaves.
A la force de ses jambes, à ski, traînant une pulka, il nous emmène au coeur de l’un des plus redoutables hivers du cercle polaire et nous fait découvrir le Dragon qui veille sur le grand Nord.
Ce raid nommé « le long chemin » s’étend sur plus de 2000 Km, de Tänndalen au Sud de la Suède jusqu’en Norvège, au Cap Nord.
Wildtrekker a parcouru le wilderness scandinave durant l'hiver 2007.

Wildtrekker nous livre quelques extraits de son récit :


www.skirandonnenordique.com

La traversée que j’entreprends, s’étend sur environs 2000 Km, du Sud de la Suède, jusqu’au Cap Nord en Norvège. En perspective ; des mois de neige, de glace, de solitude et de vent dans la beauté du monde. Le Cap Nord domine l’océan glacial Arctique, il est le point le plus septentrional d’Europe. Il symbolise également la fin de tous points d’appuis. Au delà, on ne peut plus marcher, la terre s’arrête net, créant une falaise noire de plus de 300 mètres de hauteur.

C’est là bas, que réside « le bout du monde », une chimère qui ne s’atteint qu’à pied, après l’avoir durement mérité…

Equipé d’un simple matériel de survie, sans assistance, je vais m’immerger durant de longs mois dans une nature figée par le froid et l’isolement des hautes montagnes Scandinaves. A la force des jambes, à ski en traînant une pulka (sorte de traîneau) je me dirige au coeur de l’un des plus redoutables hivers du cercle polaire. Une force irrésistible m’emporte vers la seule contrée en Europe où vit encore le peuple des glaces, les légendaires Lapons ou Sames . Dans cette partie du globe, la neige est encore éternelle. En Scandinavie, les conditions climatiques sont souvent sévères, la prudence s’impose surtout lors des déplacements en solitaire. Mais traverser le Grand Nord « en hors tout », c’est à dire loin de la civilisation, est un rêve que j’entreprends de matérialiser. Passer le mythique Cercle Polaire, entendre rôder les gloutons, être épié par les Trolls, découvrir ce que je ne connais pas encore, résume l'ensemble des envies qui me poussent à m'enneiger jusqu'au cou. Et puis avancer vers l'inconnue fait naître l'instant plus intense, l'émerveillement se densifie.

Du fond de mon être, je ne fait finalement que répondre à un appel qui raisonne, le même que doivent ressentir certains loups à l’age mûr…Ils partent seul, dans l’immensité sauvage, vraisemblablement dans l’espoir d’y trouver des réponses sur eux même ? Car voyager seul est l’unique moyen de rencontrer sa propre compagnie…

J. Malaurie : explorateur, spécialiste des pôles, disait: " Il est urgent de réveiller le nomade que chacun porte en soi. C'est le devoir de l'historien, de l'ethnologue, du philosophe, d'en finir avec le temps des colloques, de sortir de ses musées et de ses bibliothèques pour aider l'homme à se découvrir un autre lui-même dans ses vrais voyages que sous-tend son imaginaire.



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Comme dans les scénarios de films catastrophe, tout commence gentiment dans la douceur d’un cocon bienveillant. La visibilité est bonne, la neige aussi, glissante et sans pièges. La piste débute par quelques indications dont trois ou quatre parlent de pèlerins. Pour un peu, je me sens sur les doux chemins enneigés de Compostelle. Autour de moi, les montagnes se dressent, majestueuses dans leurs robes de Blanche Neige. Pourtant, je perçois qu’il se trame quelque chose de sérieux…Il y a dans l’atmosphère un je ne sais quoi d’inquiétant pour qui sait le voir… c’est calme, trop calme capitaine !

Les ruisseaux et rivières que je traverse sont gelés. Cependant, probablement grâce à une source chaude, l’eau continue de couler sous la glace. Par endroits, de frénétiques bulles d'air s'amusent, essayant de crever la surface devenue solide. Parfois, certaines racines d’arbres ressemblent à des trolls figés et éveillent mon imagination. C’est ainsi qu’au travers des âges ; éclosent d’un mariage d’ombres et lumières, l’éclat d’une pensée fait naître les fables qui nous enchantent.
Quantité de légendes prennent formes d’un reflet indirect.

Plus loin, j’observe la curieuse limite de pousse des arbres. La frondaison forme une frontière naturelle parfaitement nette et rectiligne avec le vide blanc des hauteurs. Il existe deux mondes distincts. La forêt comme un segment pour le règne du vivant, alors que l’autre partie devient un mystère lisse et impénétrable. Un univers endormi s’enfonçant vers les hautes altitudes vaporeuses des sommets.
C’est avec cette sensation de crainte, mêlée d’excitation et de respect que je laisse derrière moi le monde connu. D’un premier pas tant espéré, je marque mon entrée dans le royaume secret des montagnes blanches. La limite est franchie. Maintenant, toute forme de civilisation s’efface, n’a même jamais existé. Je dois tracer moi-même une route éphémère sur ce flanc de montagne abrupte.

La pulka est encore pesante, elle s’enfonce profondément dans une neige épaisse. La tente m’alourdie à cause du gel collé sur la toile qui n’a pas pu être éliminer. Je peine vraiment face au vent puissant que les arbres n’arrêtent plus. La neige est soit profonde, soit verglacée selon l’exposition des versants. Les pentes sont vertigineuses, la moindre chute serait catastrophique…

Après quelques heures de ski, c’est avec inquiétude que je vois la montagne changer rapidement d’aspect. Un voile nuageux compact, demeurant dangereusement fluide, prévient de l’arrivée prématurée de la tempête. Il se laisse couler sur toute la surface montagneuse. En quelques minutes seulement, tous les pics disparaissent, puis la neige se met à tomber semblable à une grêle de polystyrène. Les vêtements, que je brosse régulièrement s’étouffent et ne respirent plus, ils sont couverts de givre. Ma transpiration me fait frissonner, la trouille aussi… Je dois continuer, avancer plus vite malgré la fatigue, je n’ai plus droit à aucune pause, et ma fringale attendra… j’entame maintenant une course pour ma survie. Le refuge est encore à une heure trente sur un rythme endiablé. J’espère qu’il est opérationnel et toujours à sa place…


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Textes et photos de Christophe Castillon - www.wildtrekker.com

Retouvez la suite du récit très prochainement…

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